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Mes contes de fées

Dame Hiver, ma version

Publié le 11 Février 2018 par BengiBerte in un de mes contes, féminisme, frères et soeurs, ambition, confiance en soi, codes genrés, contes de fées

 

Bonjour! Aujourd'hui, comme on sort d’une vague de froid, j'ai envie de revisiter « Dame Hiver », un des contes de Grimm les moins connus, et d’en faire une histoire féministe. Bonne lecture!

Il était une fois un veuf qui vivait avec deux enfants, une fille courageuse et intelligente et un garçon paresseux et stupide. C'était la fille qui devait faire toutes les corvées. Tous les jours, elle devait faire le ménage, balayer et ranger tandis que son frère geignait et disait qu'il était trop fatigué pour travailler. La jeune fille en avait vraiment marre de devoir tout faire pour eux.

Un jour, l'évier se boucha alors que la vaisselle était encore sale. La jeune fille examina l'évier, puis s'écria:

- Je sais comment le réparer! Je vais démonter la tuyauterie et pendant ce temps, mon frère n'aura qu'à laver la vaisselle dans le ruisseau!

- Les filles ne savent pas bricoler! protesta le frère. Toi, tu vas laver la vaisselle dans le ruisseau et moi, je vais réparer l'évier.

La jeune fille protesta. En effet, elle savait très bien bricoler mais son père donna raison au garçon. Résignée, la demoiselle emmena la vaisselle dehors pendant que le garçon faisait semblant de réparer l'évier. Elle commença à laver mais l'une des assiettes lui échappa et roula au fond du ruisseau. La fille se pencha pour la rattraper mais perdit l'équilibre et tout devint noir.

Quand la jeune fille se réveilla, elle se trouvait au milieu d'une prairie couverte de fleurs. Surprise, elle se leva et marcha un long moment avant de trouver un énorme four. A sa grande surprise, des voix jaillissaient de l'intérieur du four.

- Aide-nous! suppliaient les voix. Aide-nous! Nous sommes des pains bien cuits et si tu ne nous sort pas du four maintenant, nous allons brûler!

La jeune fille acquiesça et sortit tous les pains du four, puis continua son chemin. Il y avait un pommier un peu plus loin.

- Aide-moi! cria le pommier! Mes pommes sont mûres et très lourdes, ce n'est pas confortable! Je t'en prie, secoue-moi pour les faire tomber.

La jeune fille, qui voyait bien à quel point le pommier avait l'air malheureux, le secoua et fit tomber toutes les pommes avant de continuer son chemin. Elle finit par trouver une jolie maisonnette devant laquelle se tenait une vieille dame.

- Bonjour! cria la dame. Dis-moi, que fais-tu là?

- Je cherche mon chemin! répondit la demoiselle. Je crois que je suis loin de chez moi.

- C'est vrai. Il se fait tard, que dirais-tu de passer la nuit chez moi? Je suis Dame Hiver.

La fille accepta et suivit Dame Hiver jusque dans sa maison. Celle-ci lui offrit un bon repas et quand elles eurent mangé, la demoiselle proposa de faire la vaisselle.

- Vous avez eu la gentillesse de m'accueillir pour la nuit, c'est normal que je fasse quelque chose en retour, expliqua-t-elle.

- Tu es bien polie, dit la Dame. Voudrais-tu rester avec moi un moment?

- Oh, mais je n'ai pas d'argent à vous offrir!

- Eh bien, ce n'est pas grave! Je t'offrirai le gite et le couvert et en échange, tu m'aideras à tenir ma maison et tu secoueras mon édredon pour faire tomber la neige!

La jeune fille accepta, ravie de se trouver loin de son père et de son frère. Tous les jours, elle aidait Dame Hiver à garder sa maison en ordre. Quand Dame Hiver le lui demandait, elle allait secouer son édredon par la fenêtre et les plumes magiques s'envolaient et devenaient de la neige qui recouvrait le paysage d'un manteau blanc et scintillant. C'était un travail long et ennuyant mais elle le faisait très consciencieusement.

Pendant ce temps, son père et son frère n'avaient aucune nouvelle d'elle. Ils commencèrent par laisser la poussière s'accumuler sur les meubles et la vaisselle sale s'empiler dans l'évier, mais ils finirent par se résigner et par faire eux-mêmes le ménage, la lessive et la vaisselle. En fait, c'était facile: tout le monde peut faire son propre ménage. Cependant, le frère ne cessait de geindre.

- Moi, j’aime pas faire la vaisselle ! grognait-il encore et encore.

- Tu la feras quand même ! répondait le père. J’ai eu tort de t’élever comme je l’ai fait. Si tu avais appris à faire le ménage et la vaisselle, tu ne serais pas devenu aussi faible et égoïste !

- Mais moi, j’aime pas faire la vaisselle !

Il tempêtait et pestait mais rien n’y faisait. La jeune fille, elle, ne geignait jamais. Le soir, quand elle avait fini ses corvées, elle allait dans la grange de Dame Hiver, qui la laissait bricoler avec de vieilles machines et de vieux outils dont elle ne se servait plus depuis longtemps. Elle maniait la scie, le marteau, le fer à souder, et créait d'ingénieux mécanismes. Elle inventa ainsi une machine à balayer le sol qui fonctionnait très bien et Dame Hiver s’émerveillait de son habileté.

- Cette machine est pour vous, dit un jour la fille à Dame Hiver. Comme ça, vous n'aurez plus jamais à balayer. Vous la méritez: vous êtes si gentille avec moi!

- Dois-je comprendre que tu veux t'en aller d'ici?

La demoiselle hocha la tête. Elle aimait beaucoup Dame Hiver mais en même temps, elle regrettait un peu sa vie d'avant et elle avait très envie de montrer son invention au monde entier.

- Je ne vous oublierai jamais, dit-elle en toute sincérité.

Alors Dame Hiver embrassa bien fort la jeune fille, puis l'entraîna vers une porte magique et lui donna l'assiette qu'elle avait perdue dans le ruisseau. La jeune fille franchit la porte et se trouva couverte d'or. L’assiette aussi se changea en or massif. La demoiselle regarda autour d'elle et vit qu'elle se trouvait à nouveau près du ruisseau. Impatiente, elle courut vers la maison et quand elle en franchit la porte, le coq s'écria:

- Cocorico! Mais qui voilà? La demoiselle est de retour avec de l'or plein les bras!

Son père et son frère se précipitèrent, stupéfaits. Ils rentrèrent à la maison, prirent un bon repas ensemble et elle leur raconta tout. Quand elle eut terminé, son frère s'écria:

- Je suis bien content que tu sois rentré, comme ça, je n'aurai plus à faire les corvées!

- Oh, que si! lança sa sœur. Je me fiche de savoir que tu n'aimes pas faire les corvées. Je vais aller m'installer ailleurs!

- Quoi?!! s'écrièrent le père et le fils. Mais tu ne peux pas faire ça!

- Oh, si! J'en ai plus que marre. Je vous ai servi de bonniche pendant des années pendant que mon frère se tournait les pouces à longueur de journée. Je n’avais jamais le temps de bricoler alors que j’adore ça ! Je croyais que c'était normal mais grâce à Dame Hiver, je sais maintenant que je mérite mieux que ça. Je pars, débrouillez-vous sans moi!

Le père et le fils se regardèrent tristement.

- Je me rends compte que je me suis mal conduit envers toi, avoua le père. Je suis désolé.

- C’est bien de dire qu’on est désolé, répondit la fille. Mais je vais quand même aller m’installer ailleurs.

Sur ce, elle rassembla ses affaires, les mit dans un grand sac et se rendit chez un orfèvre à qui elle vendit son assiette en or. Ensuite, elle s'acheta une petite maison et transforma une des pièces en atelier. Dans les mois qui suivirent, elle déposa des brevets et fabriqua d'autres machines à balayer ainsi que d'autres inventions. Tout le monde parlait de son talent pour le bricolage et les gens venaient de partout pour acheter ses machines. Elle était très heureuse.

Tout cela mettait son frère de fort mauvaise humeur et un jour, il décida de se rendre lui aussi chez Dame Hiver. Il alla laver les assiettes dans le ruisseau, en lança une dans l'eau et se précipita à sa suite. Tout devint noir et quand il se réveilla, il se trouvait dans une prairie couverte de fleurs. Il chercha et trouva un four d'où sortaient des voix.

- Aide-nous! disaient-elles. Nous sommes des pains cuits et si tu ne nous sort pas du four, nous allons brûler!

- Et puis quoi, encore? grogna le garçon. Je ne suis pas votre bonniche, j'ai mieux à faire que sortir des pains du four!

Il partit, marcha encore et trouva un pommier chargé de pommes.

- Aide-moi! criait le pommier! Mes pommes sont mûres et très lourdes! Je t'en prie, secoue-moi pour les faire tomber.

- Non ! lança-t-il. Je n’ai pas envie de me prendre une pomme sur la tête. Demande à quelqu’un d’autre !

Il marcha encore et arriva devant la maison de Dame Hiver, qui lui fit signe.

- Bonjour ! s’écria-t-elle. Que viens-tu donc…

- Je viens chercher du travail ! coupa-t-il. Je veux travailler dans votre maison.

- Mais ce n’est pas bien de couper la par…

- Je veux commencer tout de suite !

Dame Hiver pensa que ce garçon était vraiment très mal élevé. Elle le fit entrer et lui prépara un bon repas. Quand ils eurent fini de manger, le garçon s’affala et rota bruyamment.

- C’était un peu trop salé, mais bon, déclara-t-il. Où est ma chambre ?

- Elle est à l’étage, répondit Dame Hiver, stupéfaite. Tu ne me proposes pas de m’aider à faire la vaisselle ?

- Oh non, j’aime pas faire la vaisselle !

Consternée, Dame Hiver conduisit le garçon dans sa chambre. Le lendemain, elle lui donna un édredon pour qu’il le secoue. Il le secoua pendant quelques secondes, puis s’allongea et se mit à ronfler bruyamment. A midi, Dame Neige vint le réveiller.

- Tu viens m’aider à préparer le repas ? demanda-t-elle.

- Aider ? répéta-t-il.

- Oui. Tu vas éplucher les légumes et je ferai le reste.

- Oh, non ! Cuisiner, c’est bon pour les femmes ! Faites le repas, moi je le mangerai !

Excédée, Dame Neige lui fila une gifle retentissante et le garçon se mit à hurler de douleur.

- Je ne fais pas à manger aux petits garçons égoïstes et irrespectueux ! cria-t-elle. Si tu veux manger, tu vas devoir préparer tes propres repas ! Compris ?

Sur ce, elle descendit dans la cuisine et se prépara un bon déjeuner qu’elle savoura toute seule. Le garçon descendit plus tard. Trop feignant pour se préparer un repas lui-même, il chercha des restes, n’en trouva pas et finit par manger des tranches de pain sec.

Une personne gentille et normalement intelligente se serait excusée auprès de Dame Hiver ou lui aurait préparé un bon repas pour se faire pardonner mais le garçon était vraiment trop égoïste. Dame Hiver ne lui prépara plus ses repas et il dût manger tout seul. Pendant les semaines qui suivirent, la Dame lui demanda de laver les vitres, de faire la lessive, et il ne le fit jamais. Quand elle lui disait de secouer son édredon, il le secouait pendant une seconde ou deux, puis s’arrêtait et regardait le mur.

- Je ne peux plus te garder avec moi, lui dit-elle un matin. Tu n’as rien fait et à cause de toi, il n’y a pas eu de neige dans le pays du Grand Hiver. Je veux que tu partes aujourd’hui.

-Et ma récompense ? demanda-t-il.

- Une récompense ? Pourquoi ne pas travailler par sens du devoir ou par bonté de cœur, tout simplement ?

- Mais ma sœur a eu une récompense ! pleurnicha-t-il.

- Ta sœur méritait une récompense car elle m’a aidée efficacement et s’est toujours montrée très amicale avec moi. Toi, tu…

Le garçon se leva avant qu’elle ait fini sa phrase et alla secouer l’édredon. Mais au lieu de le secouer tout doucement comme le voulait Dame Hiver, il le secoua tellement fort qu’une vingtaine de centimètres de neige se déposa sur le sol. La neige bloquait les routes et les portes des maisons, de telle sorte que les gens ne pouvaient plus sortir de chez eux.

- Voilà ! s’écria-t-il, tout fier. J’ai secoué votre édredon, ô gentille, admirable, adorable Dame Hiver ! Maintenant, je mérite une récompense, non ?

Dame Hiver soupira profondément.

- Eh bien, oui. Je vais te donner ce que tu mérites !

Sur ce, elle l’emmena à la porte magique et lui donna l’assiette qu’il avait lancée dans le ruisseau. Le garçon franchit la porte et se retrouva couvert de goudron gluant, et même l’assiette qu’il tenait s’était transformée en carton. Horrifié, il rentra chez lui et au moment où il franchissait la porte, le coq s’écria :

- Cocorico ! Mais qui voilà ? Le garnement est rentré, tout couvert de poix !

Le garçon alla prendre une douche mais ne parvint jamais à se débarrasser du goudron, qui lui colla à la peau jusqu’à la fin de ses jours. Quant à sa sœur, elle continua de vendre ses inventions. Quand venait l’hiver et que la neige tombait, elle repensait à son amie, Dame Hiver, et la joie emplissait son cœur. Elle vécut très heureuse.

La fin !

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